ILLUSION OF POWER

The illusion of power, things I feel, seem so real (BLACK SABBATH, Forbidden (1995) )

Il y a des années, au siècle dernier, j’écrivais pour un fanzine consacré à la bande dessinée américaine. Les fameux comic-books. C’était quelque part aux alentours des années 90, avant internet ou au mieux à ses balbutiements. On publiait en papier, on tirait à 1K exemplaires, +/-, je n’étais que collaborateur sans autre velléité, ça se vendait par souscription ou dans les librairies spécialisées. Si j’y avais pensé, je pense que j’en aurais tiré une certaine fierté. Mais j’étais étudiant, c’était un passe-temps dont le plaisir solitaire tenait autant du partage que de l’écriture, du vecteur. Et aussi de cette impression de faire partie d’une équipe, d’un groupe, d’une communauté. Plus que tout, le bonheur de partager une passion. 1000 ventes, cela signifiait au moins 1000 lecteurs. Plus leur famille, leurs amis, etc. On se lançait (bénévolement bien sûr) dans des dossiers de fond, dans des chroniques, dans des billets d’humeur, dans des interviews qu’on chopait dans des festivals ou au gré de voyages outre-atlantique où nous étions reçus comme des rois chez des nos auteurs préférés flattés que la France s’intéresse à eux. J’ai arrêté tout cela il y a environ vingt ans. Hier, vingt ans plus tard donc, quelques fidèles auteurs de comics (des amis) m’ont souhaité mon anniversaire. Ce n’est pas une fierté, de l’amitié. C’est tout. De l’humain. C’est toujours ce que j’ai cherché dans mes rencontres. Ce truc banal et primordial. Ca ne se construit pas. C’est.

Je digresse un peu, je l’avoue. Pourquoi vous raconté-je tout ça ? Parce qu’avant internet, tout ou presque était concret. Aujourd’hui, tout le monde écrit. Moi le premier. C’est tellement simple. Une adresse de site pour un abonnement annuel d’une dizaine d’euros, quelques contacts parmi les labels, des promos en avant-premières… le tour est joué. Une page facebook pour faire bonne figure. Avec si possible des centaines, des milliers, des dizaines, des centaines de milliers d’abonnés.

Qui pour la plupart likent sans lire. Car c’est ça la réalité.

Nous sommes plus nombreux à écrire qu’à lire.

Ca ne vous choque pas ?

Avant, on pouvait tirer à 100 000 exemplaires, mais si on n’en vendait que 1000, ça ne durait pas longtemps.

Aujourd’hui, on peut avoir 50 000 followers et se féliciter à grandes pompes en bombant le torse de sortir un magazine qui se vend à 250 exemplaires.

Et faire illusion. L’illusion de la puissance.

Le miroir aux alouettes.

Plus rien n’a de sens. 50 000 abonnés pour un site dont les articles sont lus par quelques centaines de personnes et vous êtes le roi du monde. Attention, je ne dénigre personne, nous sommes tous logés à la même enseigne. C’est juste que ça me désole viscéralement.

A qui profite le crime ?

Où va-t-on ?

Je me pose souvent cette question : « A quoi bon ? »

Et encore, quand je dis souvent, je devrais dire quotidiennement. La presse a-t-elle un avenir ? C’est angoissant.

Je n’ai pas encore trouvé de réponse. J’ai de moins en moins d’espoir d’en trouver une. On écrit pour soi, on fait de son mieux, et puis…

C’est pourquoi je darrasontheloose au quotidien. Je me laisse porter par le courant, je gaudille parfois en le remontant. Je laisse traîner le filet derrière moi. « Qui m’aime me suive ! », pour paraphraser Philippe VI de Valois (ce n’est pas tous les jours !). Parce que les chiffres en 2020 n’ont plus aucun sens, quoi que certains pensent. The illusion of power…..

Seul le plaisir en a.

C’est là, et uniquement là, qu’est le bonheur. Pas dans la hype ni l’esbroufe.

A nous, qui écrivons, de le rendre contagieux.

Quelle mission !

2 réflexions sur “ILLUSION OF POWER

  1. Cher Christophe

    Il en va de même pour tous les médias d’expression.
    La photo d’un chaton qui baille fera toujours plus de vues et de commentaires que la photo de ta dernière peinture que tu as mis 7 heures à faire ou du dernier article que tu as chiadé et documenté.
    NRJ 12 fera toujours plus de score que ARTE.
    Il est plus facile de s’ouvrir une boite de conserve que de se préparer un bon repas avec des produits frais.(je n’ai pas dit plus économique).
    C’est plus compliqué d’assimilé du solide que du prédigéré.(mon gastrologue peut en témoigner).

    C’est naze, difficile a encaisser vu la somme de taf fourni mais l’humain (dont je fais parti par intermittence) est par nature faignante et ego-centrée.

    Quoi qu’il en soit cet article a été lu (comme tous les autres dans le bus qui me mène au boulot) , et commenté pour la première fois(chose que je ferais plus souvent maintenant que je me suis inscrits).

    Bonne continuation et avec tout mon soutien
    Art’micalement
    Stef

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