Un jour CONCEPTION a cessé d’exister. Comme ça. Sans raison, ou en tout cas sans raison valable. Son guitariste Tore Østby s’est consacré à son side-project ARK avant de ranger sa guitare, son bassiste Ingar Amlien s’est focalisé sur son groupe de black metal CREST OF DARKNESS, son chanteur Roy Khan a rejoint KAMELOT, et son batteur Arve Heimdal on ne sait pas. Les années ont passé. Plus de vingt. Sans que ne faiblisse cet étrange sentiment de frustration. Comme si la disparition de ce fleuron du metal prog avait été une injustice, d’autant plus insupportable que rien ne laissait penser qu’un jour le groupe puisse reprendre où il s’était arrêté deux décennies plus tôt, comme si de rien n’était. Mais il faut croire aux miracles. Car le groupe ne s’était pas séparé sur une brouille insurmontable. Il avait juste cessé d’être, sans que rien ne vienne entacher l’amitié profonde qui unit ses membres. Et ainsi depuis deux ans, CONCEPTION est de retour aux affaires. Par un single tout d’abord (Re:conception (2018) dont tous les titres ont désormais été réédités sur les sorties suivantes), puis un E.P. (My Dark Symphony) la même année. De quoi ravir des fans qui en voulaient plus et ont été mis à contribution pour financer cet album du retour, State of Deception, produit par le groupe lui-même désormais complété par le claviériste Lars Kvistum. Malgré tout le bien que l’on peut et même doit penser d’ARK et de KAMELOT, le retour de CONCEPTION rappelle de façon flagrante que la connivence, parlons même de symbiose, entre le chanteur et le guitariste est sans égale, la somme des talents réunis étant bien supérieure au résultat d’une simple addition. CONCEPTION s’est toujours affranchi du lot, s’est toujours éloigné des cases, et le groupe en ce sens n’a pas changé, faisant montre ici d’une versatilité étourdissante. Certes, le groupe fait du metal. Mais il le fait avec une élégance et une émotion uniques, arpentant continuellement la crête de l’inattendu, imprégnant chaque morceau de son identité classieuse et personnelle. La musique de CONCEPTION allie avec malice l’ancien et la modernité, comme si le groupe était entré de plain-pied dans le XXIème siècle sans être totalement sorti du précédent. Certains riffs sont d’une simplicité déconcertante tel celui du nerveux et vindicatif « Of Raven and Pigs », d’autres sont carrément hard-rock (« By the Blues »), d’autres encore virevoltent au gré de morceau à la composition machiavélique (« No Rewind »), mais tous sont irrésistibles (« Waywardly Broken »). Tore Østby est un soliste inspiré qui a le mérite de toujours rester lisible. Dans son style qui pourrait à tort paraître à certains maniéré, Roy Khan charge d’émotion des lyrics savamment ciselés. Ensemble, ils transportent l’auditeur. La musique de CONCEPTION est pareille à la proverbiale main de fer dans son gant de velours. Qu’elle soit nerveuse ou mélodique, plombée ou aérienne, simple ou perdue dans d’inextricables circonvolutions, elle est toujours comme suspendue. Dans un ailleurs où elle entraîne l’auditeur. Et même quand elle se fait balade (« The Mansion »), c’est encore sur ce fragile équilibre qui évite sur le fil la mièvrerie qu’aurait pu générer l’adjonction d’une voie féminine, en l’occurrence celle d’Elize Ryd (Amaranthe). « She Dragoon » dont les sonorités et orchestrations finales ne sont pas sans rappeler ARK ou l’album In your Multitude (1995) révèle peut-être à lui tout seul toutes les raisons pour lesquelles CONCEPTION a tant manqué au metal, mais l’album s’achève déjà dans l’éther du somptueux « Feather Moves » issu de l’E.P. et présenté ici dans une version remasterisée. Malgré ses 40 petites minutes, State of Deception impose en 2020 CONCEPTION comme LE groupe à (re)découvrir.
CONCEPTION
« State of Deception »
Conception Sound Factory
Sortie le 03 avril 2020
2 réflexions sur “CONCEPTION « State of Deception » (2020)”