SIDILARSEN « On va tous crever » (2019)

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Certains albums ont en eux cette inexplicable propension à bouleverser l’auditeur. « On va tous crever » appartient assurément à ce cercle très fermé. Trois ans après «Dancefloor Bastards» et sa signature chez Verycords qui lui avaient ouvert les portes d’une des mainstages du Hellfest, et un an après avoir célébré – et immortalisé sur le cd/dvd « In Bikini Dura Sidi » – ses vingt ans d’existence, SIDILARSEN est de retour avec un album traversé par la grâce sans avoir à se réinventer. Car si ce n’est l’arrivée d’un nouveau bassiste, Sylvain Sarrobert succédant à Julien Soula, le groupe ne varie ni ses thèmes de prédilection ni sa musique, et reste entouré de la même équipe, notamment Plume à la réalisation qui rend ici un travail exceptionnel de puissance et de précision forçant l’admiration. Jamais les albums studio de SIDILARSEN n’ont sonné avec une telle force. Metal, électro et indus virevoltent constamment sous un déferlement de décibels. Le son est magnifique. Redoutable. Chaque instrument brille. La section rythmique est naturelle, le chant hargneux, les guitares sont puissantes, les arrangements somptueux. On durcit le ton ! (« We come to get it »). C’est le moins qu’on puisse dire ! Après un démarrage en trombes sur « A vif », chaque titre impose son rythme, son refrain, sa mélodie, sa violence, ses riffs, sans qu’à un seul moment la dynamique ne retombe. Boosté aux stéroïdes, SIDILARSEN ne lâche pour autant rien sur la finesse de son identité musicale. Et surtout, surtout, laisse entrevoir de futures prestations live décoiffantes ! Alors que les morceaux s’enchaînent, il est bien difficile de rester passif. L’album progresse crescendo dans la profondeur, la gravité, l’émotion. Les cinq premiers titres assomment avec fracas, puis « Start-up Nation » et son riff de western, son break quasi-silencieux, son refrain ingénieux, les voix féminines sur son final, franchit encore un palier qui donne le ton pour la suite de l’album. Sur « We come to get it », Didou et Viber chantent On sent des pulsions…. antisociales !, dans un probable hommage tant à Mass Hysteria qu’à Trust. Avec une évidence déconcertante, avant que le titre ne s’achève sur un long passage calme à la basse. Derrière une simplicité de façade et sous un vernis de naïveté, des textes ciselés rouent de mots-coups de poing l’auditeur avec une violence imparable tout au long des 54 minutes que dure cet album que l’on peut qualifier de conceptuel au titre explicite. Si les longs discours sont bannis, le message humaniste n’en est que plus clair et efficace. Inquiet du bien-être de ses congénères, SIDILARSEN propose avec « On va tous crever » de passer un bon moment en attendant la fin du monde. Ou plutôt celle de notre monde. Un monde en déliquescence victime d’une société qui ne cesse d’ériger la consommation en projet de vie, au profit de quelques-uns et au détriment de l’humanité. Un monde dans lequel l’humain se dilue, s’efface, et accepte sans broncher l’inéluctable, quitte à se fondre et disparaître dans la machine. Mais SIDILARSEN ne dresse pas ses constats par le petit bout de la lorgnette. Pas question ici de citer de manière réductrice Macron, le Pen, ou les gilets jaunes, mais plutôt d’évoquer une « start-up nation », de condamner le repli identitaire, de citer Lidl et le coût de l’éco-responsabilité, ou encore d’invoquer avec provocation la création d’une nouvelle forme de black-bloc. SIDILARSEN ramène la politique là où elle doit se jouer : au niveau de l’humain. A notre niveau. Et malgré de terribles constats, l’optimisme l’emporte sur le fatalisme. Ainsi l’album s’achève de manière bouleversante sur « Dans tes bras » vantant l’amour salvateur (mourir en soi pour revivre en toi / mourir de plaisir à deux), puis « L’ardeur du vivant » dont le riff évoque constamment un modem 56k qui tenterait en vain de se connecter, et pour cause ! Face à la menace de l’humanité augmentée, SIDILARSEN croit sans faille en…. l’ardeur du vivant qui emporte tout. Du travail d’orfèvre, sublime et éprouvant.

SIDILARSEN
« On va tous crever »
Verycords
Sortie le 26 avril 2019

2 réflexions sur “SIDILARSEN « On va tous crever » (2019)

  1. Excellent ! On va se ruer sur l’ecoute du nouvel album de ce groupe décapant découvert pour ma part avec Une nuit pour 7 jours – Je bats ma coulpe pour cette découverte tardive et je ferai 50 écoutes du dernier album pour expier ma faute ! – Ce mélange avec l’électro me plaît – j’ai même aimé jusqu’à un groupe comme Pravda, si, si, je l’avoue sans honte ! – et on a ici un excellent groupe français qui devrait avoir plus de couverture que certains vieux clous en déroute du métal ! Qui a dit que je parlais de Bernie le fini ??
    Bravo Chris, encore un bel article
    Bises

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